Un billet d’humeur sur mon ressenti du moment avec des biais cognitifs et des souvenirs d’enfance : confinement de 1979

Je me suis posé la question : écrire ou pas ?
J’ai envisagé la fermeture du blog, pour une durée indéterminée, afin de pas amplifier le bruit ambiant, dont je ne suis pas si certaine qu’il soit utile et bénéfique.
J’insiste souvent sur l’importance des rituels. Alors, fidèle à la valeur d’exemple que je défends, je me suis forcée à écrire ce billet.

Trop de bruit et de biais cognitifs.

Beaucoup ont déjà exprimé un avis sur la situation actuelle et je ne pense qu’une analyse à chaud, sous le coup de l’émotion, soit pertinente.
D’ailleurs, j’observe, avec désespoir,  les réactions sur les réseaux sociaux , y compris les miennes. Je me suis surprise, à plusieurs reprises, à faire suivre des informations en me laissant piéger par des biais cognitifs.
Pour ceux qui l’ignorent, les biais cognitifs sont des mécanismes de pensée qui poussent le cerveau humain à tirer des conclusions incorrectes. Nous en avons tous !
Par exemple, les aficionados de la théorie de l’effondrement équipés d’un ‘biais de confirmation’ vont privilégier, rechercher toute information qui valide leurs hypothèses. En ce moment, ils disposent d’un boulevard pour jouer !

Pour ceux qui souhaitent s’occuper sainement, dans les prochains jours, vous pouvez télécharger gratuitement un jeu de cartes  pour vous aider à découvrir 52 de ces biais cognitifs et vous y sensibiliser ! Une activité d’utilité publique, à réaliser en famille ou solo, en ces temps de folie sur les réseaux sociaux. Merci à Laurence Vagner et Stéphanie Walter pour ce partage sur votre site.

Prisonnière de mes biais cognitifs, ne sachant plus quelle action ou quel partage seront les plus utiles, je me sens perdue. C’est alors qu’ont surgi, à la surface de mes souvenirs, des moments de l’enfance…

Souvenir de confinement en 1979.

Je n’ai été confinée qu’une seule autre fois dans ma vie.
1979, j’avais 11 ans. Je vivais avec mes parents à Abu Dhabi. Un huitième étage avec vue sur le Golfe Persique. L’école était fermée, des chars patrouillaient sur la corniche déserte.
Je me souviens de la tension palpable qui flottait dans l’air chaud. Des conversations à voix basse entre adultes. Je me rappelle avoir lu de l’angoisse sur leurs visages fermés.
Les Américains avaient été évacués. Les Frenchies attendaient les consignes de leur gouvernement. Finalement, nous sommes restés aux Émirats.
Je n’ai aucun souvenir de la durée du confinement, ni des conditions. De l’autre côté du Golfe, à quelques centaines de kilomètres, c’était la révolution en Iran.
Je me souviens de ma mère : elle faisait la fofolle et disait « tout va bien, tout va bien ». Elle mettait alors un vinyle, qui craquait, rayé par le sable du désert. La voix caverneuse, magique et mythique de Louis Amstrong s’élevait et le monde s’illuminait, « What a wonderfull wold ». Elle alternait avec la Diva, la Callas qui remplissait l’espace chargé d’angoisse. La musique balayait le poids des émotions négatives.

Avec presque un demi-siècle de recul, c’est presque un bon souvenir. Ancré, au fond de mon ventre demeurent la pesanteur et la crispation que je percevais sur le visage des adultes. Mais dans mon cœur rayonnent la musique, la fête et la confiance absolue que j’avais en Maman qui disait « tout ira bien ».

Parents, célébrez la vie

Ainsi, portée par ce souvenir, si j’ai un conseil à vous donner par rapport à vos enfants, c’est légèreté, musique et optimisme !
Des rituels, des moments de fêtes, chantez, applaudissez aux fenêtres, souriez à vos voisins. Vos enfants sont des éponges, imbibez-les positivement !
Oui, ça sera long ! Oui, il y a aura des moments de tensions, des cris, des pleurs, des agacements. Chacun fait ce qu’il peut, chacun fait de son mieux.
Faites taire la voix du jugement, ce censeur interne. Faites en sorte que, dans un demi-siècle, ils se souviennent de cette période comme d’un unique moment à temps plein avec papa et maman. C’est une occasion rare de remettre en place le lien, s’il a été distendu pour diverses raisons.

Finalement, ce qui m’aide le plus en ce printemps de mars 2020, réside dans ce souvenir de 1979. Et bien sûr, il y a le chant des oiseaux, les rires d’enfants dans le lointain et la vision d’une nature gorgée de couleurs. La vie, quoi !

Un jour, à la fin du XXIe siècle, mes fils raconteront à leurs petits-enfants :

« Dans les années vingt, nous avons vécu le premier confinement. À l’époque, il existait un truc qui s’appelait internet qui nous permettait de rester reliés. On faisait l’école à la maison et on envoyait les devoirs aux profs… Et le soir, nous discutions à la fenêtre avec les voisins, de l’autre côté de la rue. Et Maman disait « tout ira bien mon chéri » et Papa cuisinait de bons petits plats. C’était meilleur que la cantine.
Ca a été le premier confinement car l’humain est lent à abandonner ses habitudes et son confort. Il a fallu plusieurs ‘jours d’après’ pour que le monde d’aujourd’hui naisse… »

Et mes arrières petits-enfants s’étonneront du monde étrange , dans les folles années vingt, à la fin de l’Antropocène…