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La semaine dernière je vous amenais sur les pistes de la confiance en vous. Vous avez compris que cette confiance s’ancre dans vos compétences.  Partons aujourd’hui explorer le niveau de conscience que vous posez sur ces compétences et sur vos zones d’incompétence.

DEUX ADOS , DEUX STYLES DE CONSCIENCE

L’un de mes fils est parfaitement conscient de ses compétences : lorsqu’il rentre de l’école, il annonce souvent : « je vais avoir telle note au contrôle ».  L’autre jour, il a été surpris et contrarié car École Directe[mfn]Le logiciel qui met en ligne les notes scolaires[/mfn] affichait une note avec 1,75 points d’écart par rapport à ses prévisions de matheux. Agité et contrarié, il a râlé tout le week-end, ne comprenant pas son erreur d’évaluation. Lorsqu’il a reçu sa copie, il a constaté, ravi, que son enseignante s’était trompée dans la correction ; l’adolescent avait bien évalué son travail !
Ce damoiseau est consciemment compétent : il sait exactement évaluer la qualité de son travail et de ses apprentissages. Il remet en question ses façons d’apprendre et sait où résident ses lacunes.  C’est une réelle compétence à un si jeune âge ! Lorsqu’il a besoin de progresser, il sait aller chercher de nouvelles façons de travailler.

Mon autre fils, éternel optimiste dilettante, rentre de l’école en nous vantant ses insolences, ses exploits et ses futures bonnes notes. Il se retrouve régulièrement avec une note inférieure de 5 à 6 points à ses prévisions. Il se contente de relire son cours et n’ancre pas suffisamment certaines notions. Il s’en fiche et aime répéter : « keep cool ! Ça passera crème».
Il est inconsciemment incompétent : il ne sait pas qu’il ne maitrise pas bien certaines parties de son cours ou de son programme ; il ne prend pas le temps de relire les corrections ; il ne remet pas en questions ses techniques d’apprentissage et trouve toujours des excuses ou des justifications à ses approximatives prévisions.

DE L’IMPORTANCE DE SAVOIR CALIBRER SES COMPÉTENCES ET SES INCOMPÉTENCES

Que vous soyez manager ou étudiant, ou en train d’acquérir un nouveau savoir faire, il est utile de comprendre où résident vos compétences et vos forces. Il  est tout aussi important de savoir détecter et repérer  vos lacunes.
En effet, nous ne pouvons améliorer ou changer quelque chose dont nous n’avons pas conscience. D’où l’utilité de mettre en lumière nos limites et nos zones d’incompétences.

LE MODÈLE D’APPRENTISSAGE DE COMPÉTENCES CONSCIENTES

Connaissez-vous le modèle d’apprentissage de compétence consciente ?  Cette théorie développée dans les années 70 par Noël Burch [ un employé de l’organisation « Gordon Training International »] s’appuie sur l’idée que nous apprenons en suivant quatre étapes.
Je vous propose de les illustrer en utilisant mon inappétence pour la cuisine.

Étape  1- Inconsciemment incompétente : je ne sais pas que je ne sais pas faire

Piètre cuisinière, je fais un gâteau à l’ananas depuis des années. Chaque fois, les convives disent qu’ils ont déjà trop mangé ou avalent, à grand renfort de verres d’eau, le dessert que j’ai concocté avec amour. Mes amis sont d’une exquise politesse !
En réalité, mon gâteau est immangeable mais personne n’a jamais osé me le dire. Je suis inconsciemment incompétente : je ne sais pas que je n’ai pas les compétences pour réaliser un gâteau à l’ananas. Je ne peux pas progresser puisque je n’ai même pas conscience du  problème. J’avoue avoir des papilles d’une mauvaise foi absolue lorsque je goute mes propres plats.

Étape  2 – Consciemment incompétente, je réalise que je ne sais pas faire

Un jour, ma future belle-fille ose enfin dire la vérité,  sous les yeux désespérés et les appels muets de mon fils : « vous savez Aurore, votre gâteau est vraiment immangeable. On n’ose rien vous dire pour ne pas vous faire de peine car vous y mettez du cœur mais il est vraiment particulier. Regardez : il est brulé, vous avez encore remplacé le beurre par de l’huile et vous avez utilisé la mauvaise farine.»

Je deviens consciemment incompétente : je me connecte à mon incompétence abyssale en cuisine (au passage, ce n’est pas un scoop ; il n’y a qu’à voir la tête de mes fils lorsque j’annonce fièrement que j’ai fait un repas  « oh non, c’est maman qui a fait à manger ? Non, pas elle! ».
Parfois, dans la vie, on peut avoir une confiance en soi totalement mal placée et penser que la compétence arrivera comme par magie. Aucune magie ne s’est opérée autour de la table et je n’ai jamais fait l’effort d’apprendre vraiment à cuisiner. Pour qu’un changement soit envisageable, je dois d’abord comprendre que je n’ai vraiment aucune compétence en cuisine. Je peux alors progresser et mettre en œuvre ce qui est nécessaire pour réaliser des gâteaux qui feront frétiller les papilles !

L’étape où nous devenons consciemment incompétent est cruciale : c’est un moment de choix où nous pouvons décider de changer, de muscler notre compétence ou pas ! Attention, à cette étape, à ne pas vous enfoncer sous la ligne en vous racontant une histoire et en confirmant toutes ces horribles choses que vous pensez au sujet de vous-même.

Étape  3 – Consciemment compétente , je sais faire et je sais comment je sais faire

Ainsi, je peux décider de rompre la malédiction du gâteau brulé et aller prendre des cours auprès de  Jessica Préalpato, talentueuse pâtissière chez Ducasse,  et apprendre quelques tours de main.

Je me mets alors à cuisiner des gâteaux délicieux et mon exclusivité à l’ananas devient une tuerie gustative.  Je deviens consciemment compétente : je sais que je sais faire et je m’appuie enfin sur un vrai savoir-faire. Je me suis donné les moyens pour progresser et « monter en compétences ».

Étape 4-  Inconsciemment compétente, je sais faire mais je ne sais plus comment

Et puis, un jour, dans une trentaine d’années, mes petits enfants me demanderont « mamie comment fais-tu ton gâteau à l’ananas ?  Je voudrais faire le même pour régaler mes copains ».
Les yeux écarquillés, je serai bien incapable de le dire.  A force de pâtisser, j’aurai acquis une telle expertise que je le ferai par habitude, presque par réflexe. Je  serai inconsciemment compétente : je saurai faire mais je ne saurai plus comment je fais tant je suis experte.[mfn]Ce passage est une pure fiction car je n’ai aucune intention de muscler ma compétence de pâtissière[/mfn]

Autre cas de compétence inconsciente : lorsque vous conduisez bien. En effet, vous ne savez plus comment vous vous y prenez pour freiner correctement ou estimer la distance de  freinage. Vous opérez par réflexe ; cela vous demande un réel effort de dire comment vous faites.
Vous devenez inconsciemment compétent lorsque vous êtes expert dans un domaine.

Il existe une cinquième étape , la compétence Consciente Inconsciente que je développerai un autre jour ; ce niveau est utile si vous souhaitez former les autres .

Pour vous aider, voici un résumé visuel :

Les 4 étapes de l'apprentissage

Un modèle de compétences applicable à tous les domaines

Cette théorie en quatre étapes, ici appliquée au champ de la pâtisserie [sujet que je déteste], est valable dans tous les domaines, à partir du moment où des compétences sont nécessaires.

Ainsi, un manager qui souhaite déléguer une tâche ou un projet, pourra être en difficulté s’il est trop expert, c’est-à-dire inconsciemment compétent. En effet, il ne saura pas forcément dire quelles sont les compétences requises  pour exécuter la mission. Comment alors accompagner celui qui ne sait pas faire ? La tentation est parfois forte de « faire soi-même » avec le sentiment que c’est plus rapide !

QUELQUES QUESTIONS POUR AVANCER PLUS SEREINEMENT DANS CES ÉTAPES

Apprendre à repérer vos zones de compétence et d’incompétences vous permettra de mieux nourrir votre confiance en vous et surtout de progresser sur vos zones d’incompétences.
Personne n’a la science infuse : toute compétence repose sur des apprentissages. Et chacun diffère dans sa façon d’apprendre et possède un rythme qui lui est propre.   Arrêtez de vous comparer !

Le problème d’être inconsciemment incompétent, c’est que vous faites des erreurs, vous ne comprenez pas pourquoi . Si vous avez tendance à vous sentir « nul »,  à tomber dans les reproches ou l’auto-critique, vous pouvez remplacer ces pensées négatives par deux questions simples qui vous amèneront sur les pistes de la confiance en vous :

  • Ai-je envie de progresser et d’apprendre sur ce sujet ? Par exemple, mon fils conscient de ses compétences-incompétences n’a aucune envie de progresser en philosophie. C’est son droit tant qu’il en assume les conséquences. Il ne se vit pas « nul » pour autant. Il fait le choix de ne pas progresser en philo pour garder du temps pour sa passion des maths.
  • Quelles sont les premières étapes pour apprendre et muscler ma compétence sur ______ [écrire le domaine choisi] Article à venir !

Vous pouvez également demander un feedback à des personnes bienveillantes ; cela vous aidera à poser votre conscience sur vos compétences.

Et vous ? Connaissez-vous vos zones d’incompétences et de compétences ? Dans vos espaces professionnels, sportifs et de loisirs, quelle est votre aptitude à  vous évaluer ? Et donc à poser les jalons qui vous permettront de grandir, de vous améliorer et d’apprendre ?

Quelle était la dernière fois où vous avez pris conscience de votre incompétence ou que vous avez mis à jour une compétence dont vous n’aviez pas conscience ?


REMERCIEMENTS & INSPIRATION

Merci à mes deux fils qui m’inspirent toujours des anecdotes et illustrations.

ALLER PLUS LOIN

Les origines du modèle des 4 étapes d’apprentissage (en anglais)

CRÉDIT IMAGE
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