Il était une fois, dans une galaxie très proche, une lune nommée DevoirAlamézon. C’était un satellite naturel de la planète Ekol…
Bienvenue dans la galaxie Parentale, un monde où les parents et les enfants se laissent souvent tenter par le côté obscur de la force !
Je vous invite aujourd’hui à faire un bond dans l’hyper espace afin d’explorer cet univers. Nous voyagerons dans la tête de mon fils, 11 ans, en sixième : il illustrera comment les croyances de l’enfant peuvent induire des blocages.
Bon voyage !

Éviter le combat et produire un écrit en 15 minutes !

Le week-end dernier, je vaquais tranquillement à mes occupations, lorsque j’ai entendu mon plus jeune fils soupirer, rouspéter, racler des pieds, faire tomber ses livres… Je connais le phénomène : c’est un Padawan agréable et souriant, qui apprend facilement. Il a toutefois du mal à gérer la frustration. Ne pas l’aider dans un moment pareil, c’est courir le risque qu’un minuscule incident se transforme en cataclysme familial et que le côté obscur de la force pourrisse notre week-end !
Voici quelques bribes de notre conversation.
J’entre dans sa chambre : « je t’entends… tu as l’air mécontent ! Que se passe-t-il ? »
L’enfant, furieux, saisit son livret de grammaire et souffle comme un petit chat exaspéré : « pfft, c’est nul cet exercice. Je comprends rien. C’est nul le français. »
Je jette un coup d’œil sur l’énoncé qui me semble facile. J’hésite un instant : laisser l’enfant se débrouiller seul ou lui transmettre la force pour faciliter la production d’écrit.
Seconde option ! Je me drape de neutralité et de bienveillance, concentrée, dans ma belle cape de JediMâm.
Je ne comprends pas où il bloque : la liste de consignes est-elle trop longue ?
Voici les consignes auxquelles l’enseignant a ajouté : commencer son texte par « Il était une fois », suivre les autres consignes, écrire de 5 à 7 lignes. »
J’amorce la discussion : « Veux-tu que je te montre un truc rigolo pour écrire quelques lignes le plus vite possible ? »
Les grands yeux noirs me foudroient, la réponse fuse : « le français n’est JAMAIS rigolo. T’es vraiment pas drôle comme Maman ! »
Je respire et m’installe devant le tableau blanc : « alors, que dois-tu faire ? Dis-moi ce que tu comprends des consignes ? »
L’enfant, se balance sur sa chaise, il fait tomber ses cahiers d’un air provocateur : « écrire 5 à 7 lignes… pfft c’est nul, c’est long… »
Le côté obscur de la force m’appelle. Vais-je me transformer en Dark Auror? Hum, faire voler les cahiers au plafond ? C’est tentant… Je respire à nouveau et ignore la provocation. Je reprends ma posture de Jedi.
« C’est bien. Quoi d’autre ? »
Le préadolescent, bougon, continue à m’énoncer les consignes, la mine renfrognée ornée d’une moue boudeuse : « 5 -7 lignes | Description = > imparfait | faits précis = > passé simple | Il était une fois.
-Est-ce que tu comprends la consigne ? Est-ce que j’ai oublié quelque chose ? »
Toujours furibond, il ajoute : « eh ben oui, tu as oublié, les CC de temps ! Puis sournoisement, il me questionne : et toi, tu sais ce que c’est un CC de temps ? »
– Imperturbable, je réprime un fou rire : « oui Petit Padawan, je jouais avec les compléments circonstanciels de temps avant même que tu ne sois né ! Et toi ? Tu me donnes un exemple ? »
Rageur, il cite l’exemple.
« Alors, est-ce que ça va mieux ? Sais-tu quoi faire maintenant ? »
Le front plissé choisit de rester en mode boudeur : « non, j’ai pas d’idée, elle est nulle l’image. En plus c’est mal dessiné !!! »
Hum, c’est vrai que c’est mal dessiné.
Petite bouffée de compassion intérieure : « OK, je t’aide ! Dis-moi ce que tu vois sur l’image ! »
Une moue me répond d’un air ennuyé et je note ses mots clés au tableau sur une première branche : « Petit bonhomme | Marcher forêt |
– Les arbres sont espacés dans la forêt. » Je lève le feutre, nous cherchons le terme précis : « clairsemé« .
Soudain, mon fils semble sortir de sa bouderie. Il s’intéresse à ce qui prend forme sur le tableau. Il me dit alors : « il a un petit sac bizarre. Je ne sais plus le nom ».
Réflexion et voilà qu’apparaît le mot « baluchon« . Les sourires sont plus marqués, l’enfant oublie sa mauvaise humeur comme si les nuages s’éloignaient de son petit front crispé. Il se redresse sur sa chaise et me raconte l’histoire d’un petit bonhomme qui se promène dans une forêt mal dessinée.
Sur le tableau, les mots apparaissent : la partie en vert sur la photo ci-dessous.
Je lui demande quels seront les temps utilisés pour rédiger cette description : il sait immédiatement qu’il doit utiliser l’imparfait (IMP sur le tableau).
« Parfait ! Bravo ! As-tu tout ce dont tu as besoin pour écrire tes lignes ?
– Ben non, je n’ai pas les faits précis et donc je n’ai rien au passé simple.
– Excellent ! C’est exact ! Alors, que faire pour avoir du passé simple ?
– Ben il ne se passe rien sur l’image ! Je ne sais pas ! Il n’y a pas de fait précis. »
Illumination dans ma tête. Yes ! La force est avec moi !
 » C’est toi l’auteur, tu peux imaginer ce qu’il se passe dans la tête du bonhomme ou même imaginer ce qu’il se passera lorsque il sortira de l’image. L’auteur fait ce qu’il veut lorsque il invente une histoire ! »
Mon fils s’illumine : « ah (et voilà, manifestement le blocage était là : dans le fait que l’enfant n’imaginait pas pouvoir inventer une partie de l’histoire sans s’appuyer exclusivement sur l’image), alors au bout d’un moment qu’il se promenait, par exemple au bout d’1 km, le petit garçon se sentit heureux et il se mit à siffler ».
Notez qu’il n’y a pas que le petit garçon de l’image qui est heureux, à ce moment-là !
Il réfléchit un instant et ajoute : « mais ça ne fait qu’un CC de temps, alors je dois trouver autre chose ». Les grands yeux noirs explorent le plafond, plongés dans un imaginaire intérieur.
Mon fils sourit davantage et déclare : « dès qu’il se mit à siffler, les oiseaux lui répondirent ! [Petit silence paisible] C’est chouette hein, Maman, cette forêt ?
– oui mon chéri, c’est très chouette cette forêt. »
Sur le tableau, j’ajoute en rouge cette partie. Et lui redemande s’il a tout ce qu’il lui faut.
Ravi, ayant oublié sa bouderie et sa mauvaise humeur, il se lève et commence à écrire au tableau.
C’est à mon tour d’être aussi heureuse que le petit personnage de l’image. En effet, je pensais que mon fils écrirait directement sur son cahier, pour gagner du temps. Il a tellement apprécié l’exercice au tableau qu’il souhaite continuer sur ce même tableau blanc.
En moins de trois minutes, il produit quelques lignes. Il se relit, corrige quelques fautes d’accord. Puis d’un air embêté me dit : « ah mais j’ai pas écrit qu’il faisait froid et que le petit bonhomme avait une capuche.
– Ce n’est pas grave. C’est toi l’auteur. Tu as le droit de noter plein d’idées et ensuite de ne pas toutes les utiliser. Mais si tu n’as pas assez de lignes, tu pourras ajouter ce détail dans ton cahier !
– Ah oui, c’est chouette ! Je peux ajouter directement dans mon cahier et je ne suis pas obligé d’utiliser tout ce qu’on a noté sur la map ? !
– Exactement, c’est toi l’auteur, c’est toi le chef du texte ! Tu fais ce que tu veux tant que tu respectes les consignes. »
Et voilà, mon fils a recopié dans son cahier le texte du tableau et a obtenu son nombre de lignes.
« Et voila ! Tu vois, la prochaine fois que tu bloqueras, tu pourras découper les consignes puis faire une carte pour tes idées, qu’en dis-tu ? »
Petit sourire taquin aux lèvres : « Peut-être… »
Avec lui, notez que « peut-être » veut souvent dire « oui ».
Je quitte pièce et, dans l’escalier, une petite voix m’accompagne: « Merci Maman ».
Le soir, lors du repas, je lui ai demandé ce qui l’avait gêné pour faire son exercice tout seul. Il était très lucide et m’a répondu : « c’est parce que je ne savais pas que j’avais le droit d’inventer des choses qui n’étaient pas dans l’image ».

Décryptage du plan de vol

Alors comment un incident désagréable peut-il se terminer avec autant de sérénité ?
  1. L’enfant est bloqué, enfermé dans des croyances qui l’incapacitent : « le français c’est nul », « c’est difficile », « l’image est mal dessinée ». Évidemment, ça ne le met pas dans de bonnes dispositions pour travailler. Je reviendrai dans un autre article sur les croyances limitantes.
  2. Le tableau blanc aide à prendre du recul, mettre de la distance avec les éventuelles difficultés.
  3. La carte mentale permet de découper un énoncé en une série de consignes simples, compréhensibles. Rapidement, il apparaît que les compétences de bases ne posent aucun problème : l’enfant maîtrise l’imparfait, le passé simple, les CC de temps.
    Mais il s’enferme dans la consigne : « décrire l’image ». Il ne s’autorise pas à imaginer, il s’autocensure. Nous explorerons, un de ces jours, cette planète Ekol qui tue parfois la créativité des Padawans. J’ai fort à dire sur ce thème.
  4. La posture est neutre et bienveillante : je n’ai émis aucun jugement du genre « ah mais c’est facile » ou « je ne comprends pas que tu ne comprennes pas » et j’ai égrené des marques d’attentions positives avec mes « bravos », « c’est bien » pour l’encourager tout au long du processus. Je reviendrai également sur cette notion de « marques d’attentions positives » qui favorisent la confiance en soi de l’enfant.
  5. Toute l’attention est portée sur le lien avec l’enfant, la qualité de la relation ! À noter que j’aurais pu demander à l’enfant d’effectuer un dernier travail pour améliorer le texte, à savoir enlever les répétitions et enrichir le champ lexical mais je n’ai pas insisté car je voulais simplement lui monter qu’il était compétent et préserver la qualité du moment.
La clé, c’est de ne pas perdre le lien avec l’enfant. Parce que le lien, c’est la force ! C’est ce qui permet de rester dans une posture bienveillante, où l’enfant se sent valorisé, rassuré : il est alors dans de bonnes dispositions pour dépasser ses croyances négatives et exprimer ses talents. Après tout, qu’est-ce qui est le plus important à ce moment-là ? Il ne tient qu’à nous de remettre nos enfants dans une démarche ludique où apprendre (re) devient un plaisir. Plus encore, nous les aidons à construire une bonne estime d’eux-mêmes !

En route pour la Parentalité Sereine

Évidemment, prendre la posture de la JediMâm ou du JediPâ implique aussi un travail sur soi, notamment avoir dépassé nos propres frustrations et savoir quoi faire de nos émotions négatives.
Le risque est toujours présent de basculer vers le côté obscur et de devenir une SithMâm, dans mon cas Dark Auror, qui ne contrôle plus sa colère ou sa négativité.
En tant que parents, nous suivons le même chemin que les Jedis de Star Wars : les recettes et les baguettes magiques n’existent hélas pas. Nous entrons dans un monde où l’entraînement, la pratique et les expérimentations deviennent notre quotidien. Heureusement que nous n’avons pas de sabre laser!
Alors au travail ! En route pour la galaxie de la Parentalité Sereine !
Et vous, repérez-vous facilement ce qui bloque votre enfant au moment des devoirs ? De quoi auriez-vous besoin pour faire de ces instants un moment agréable ?
N’hésitez pas à laisser vos commentaires ci-dessous et à partager vos expériences dans l’accompagnement des devoirs!

Remerciements : merci à mon fils cadet de m’avoir autorisé à publier le contenu de notre conversation.
Crédit image : Image libre de droits sur Pixabay

Aller plus loin : pensez au mentoring parental si vous souhaitez accompagner les apprentissages de vos enfants avec davantage de sérénité ou mettre en place une posture neutre et bienveillante dans les moments difficiles.
Pour les lecteurs formés à l’ennéagramme et la spirale dynamique :
ENNEAGRAMME
L’enfant de cette conversation est en base 7 : il a effectivement du mal à gérer la frustration (la bascule vers le côté obscur est alors très rapide!). Il comprend généralement très vite et n’a pas encore développé de stratégie lorsqu’il est en échec d’apprentissage car cela lui arrive rarement. Lorsqu’il ne sait pas faire, il met en place son mécanisme de défense et rationalise : « c’est la faute au français qui est nul, la faute à l’image qui est mal dessinée » ; bref, l’enfant déploie beaucoup de justifications logiques pour expliquer qu’il ne peut pas produire son écrit pour des tas de raisons qui ne sont pas de son fait ! Un grand classique qui, à la longue, peut être agaçant pour le parent.
L’un de ses talents est son imaginaire intérieur, sur lequel je m’appuie pour l’aider à aller chercher les idées nécessaires à la production d’écrit.
En lui proposant de passer en mode « rigolo », je tente de le reconnecter à son orientation naturelle : la joie et l’optimiste.
SPIRALE DYNAMIQUE
Cette interaction m’a permis d’apprendre que mon fils avait probablement trop bien intégré les règles DQBLEU et qu’il avait du mal à s’en détacher ! J’ai presque trop bien fait le boulot de parent pour le faire passer en DQBLEU .
En effet, l’enfant s’autocensure, se limite et s’enferme dans des « consignes » trop strictes ce qui l’empêche de faire preuve de créativité et de produire son texte.
Mon travail de parent, dans les semaines à venir, va être d’accompagner l’enfant au-delà de DQBLEU et de lui apprendre à appliquer de façon moins basique les consignes. C’est un pas nécessaire sur le chemin de l’autonomie et de la créativité.