Parmi les défis de l’attention, il y a celui de la présence à soi ? Sommes-nous conscients de nos états internes ? Sommes-nous dans la bonne posture pour amorcer une discussion, un échange ou une réunion qui s’annoncent difficiles ?

UN OUTIL POUR CALIBRER NOS ÉTATS INTERNES : LA LIGNE

J’ai récemment découvert, grâce au programme Enneagram Prison Project, un outil à la fois simple et puissant : BELOW and ABOVE the line, en français « au dessus et au dessous de la ligne « .

Un outil simple…

Il s’agit simplement de se poser la question : où suis – Je ? En référence à une ligne imaginaire qui représente un état neutre dans lequel nous évoluons rarement.
Être au dessus de la ligne, c’est être en posture d’ouverture de curiosité, de réceptivité. C’est accepter de faire différemment, sortir de ses habitudes et de ses schémas routiniers [pour ceux qui connaissent le modèle de l’ennéagramme, c’est ne pas s’enfermer dans les automatismes, ne pas être en pilote automatique].

Être sous la ligne, c’est être en posture fermée, en proie à nos ruminations intérieures, c’est vouloir avoir raison. Cela correspond aux moments où nous nous racontons des histoires, nous faisons des projections, attribuons des pensées, sommes critiques au sens négatif du terme.

Visuel illustrant la ligne de flottaison

Et vous, au moment où vous lisez ce paragraphe, faites une pause : où êtes-vous en ce début de journée, en cette fin de journée, en cet instant? Êtes-vous au dessus ou au dessous de cette ligne ? Il est probable que si vous étiez très « en dessous de la ligne », vous auriez déjà quitté la lecture de ce billet ou ne l’auriez pas démarrée. Si vous êtes parvenu jusque-là, c’est que vous êtes sur la ligne ou au-dessus, ouverte et curieux, avec l’envie d’apprendre.

…qui trouve ses origines chez le conseil en management

Cette approche a été développée par un cabinet de conseil qui intervient sur le thème du leadership : les consultants posent cette question au début de chaque réunion, lors de missions d’accompagnement. En effet, ils considèrent, à raison, qu’une saine discussion ne peut s’amorcer que lorsque chaque participant a pris conscience de sa disposition intérieure.

Voici une vidéo, en anglais qui présente cette notion, en trois minutes. Les dessins sont suffisamment explicites même si vous ne parlez pas anglais :

UN OUTIL TOUT TERRAIN

Une méthode à utiliser dans tous les contextes

J’apprécie particulièrement la simplicité de cette technique qui peut être utilisée dans tous les contextes personnels ou professionnels.
Les aficionados de l’intelligence collective proposent des tours de table au cours desquels chacun partage sa météo. J’ai souvent vu des participants communiquer une information pour se débarrasser du bâton de paroles ou passer trop vite sans réellement se demander, intérieurement, s’ils étaient en posture d’amorcer de réels échanges.
J’aime ce tour de table où on énonce simplement « je suis au-dessus de la ligne », ou « je suis en dessous de la ligne » sans raconter davantage sa vie. Nous pouvons d’ailleurs rajouter « en dessous de la ligne mais avec l’envie de remonter au dessus ».
Et puis, il y a aussi ces jours où nous nous retrouvons sous la ligne, sans la moindre envie de remonter en proie à notre esprit chagrin ou belliqueux.

Ne vous contentez pas de vous en servir en contexte professionnel ou associatif, cette technique apporte également des bienfaits à la maison.
Par exemple, il arrive qu’un de mes fils vienne me voir pour me confronter ou réclamer plus d’attention que je ne peux en donner. De plus en plus souvent, je fais un check in intérieur et lui réponds « pas maintenant, je me suis en mode kalash  » [sous entendu : « je suis très en dessous de la ligne, fiche moi la paix »]. Alors, je prends le temps de me réaligner ou j’attends simplement que la mauvaise humeur, l’irritation ou l’agacement s’estompent. Je retourne le voir lorsque je me sens en capacité d’écoute, disponible.
Parfois, l’impulsivité gagne et les mots ou les actes sont désagréables. Les automatismes ont gagné, Dark Auror est de retour. Tant pis, je ferai mieux la prochaine fois.

Une technique qui vous accompagne dans vos fluctuations quotidiennes.

Cette question de ligne mérite d’être posée au fil de la journée car nous fluctuons.
Nous pouvons être très en dessous de la ligne après une réunion qui s’est mal passée, une journée difficile. Puis retourner au-dessus de la ligne suite à l’annonce d’une bonne nouvelle ou tout simplement parce que nous avons fait une pause salutaire ou pour toute autre raison parfois infime.

Attention à ne pas confondre les émotions positives ou négatives avec cette notion de ligne. Nous pouvons être tristes ou en proie à de fortes émotions négatives tout en étant au-dessus de la ligne, connectés à cette réalité émotionnelle. Ce qui compte, c’est la présence à soi et la conscience posée sur notre état.

Plusieurs fois dans la journée, vous vous retrouverez sous la ligne. C’est normal et humain. Il n’y a pas de jugement à poser sur ces états internes. La seule question devrait être : « ai-je envie de rester dans cet état ou de mettre tout en œuvre pour en sortir ? ».

Avant d’entamer une interaction délicate ou forte en enjeux, je vous recommande de vous poser cette question : « où suis je ? ».

QUESTION DE DÉCISION ET DE CHOIX

D’ailleurs, avez-vous conscience de l’existence de cette ligne de flottaison imaginaire ? Avez-vous déjà réalisé que c’est une ligne de choix : vous pouvez choisir de mettre en œuvre ce qui est nécessaire pour remonter au-dessus du niveau ou vous pouvez vous complaire sous la ligne laissant toute place à vos griefs et ruminations ?

Par nature, nous sommes câblés pour être au-dessous de la ligne, aux aguets, en vigilance. C’est grâce à cette posture de vigilance que nous avons survécu en tant qu’espèce. Cette posture a son utilité. Et naturellement, nous y revenons en permanence.
Je vous laisse imaginer à quel point, en ces temps d’épidémie, en proie à un stress universel, plus que d’habitude nous sommes tirés sous la ligne de flottaison. Nous sommes dans des états de stress, parfois inconscients, et en hypervigilance.
D’ailleurs, parfois, la chute sous la ligne est trop profonde : c’est une question de chimie du cerveau. Il sera alors difficile de remonter tout seul ; dans ces cas-là, n’hésitez pas à faire appel à un professionnel pour vous aider.

Être au-dessus de la ligne, en posture ouverte, est un travail de tous les jours, une vigilance. Cela implique de se poser la question de savoir ce qui nous fait de bien, ce qui nous nourrit, de mettre nos marques à oxygène [ce qui nous ressource.].

Il n’y a aucun jugement à poser sur le fait d’être au dessus ou en dessous. Il s’agit simplement d’observer, de constater pour ensuite décider : je reste en dessous ou je mets en œuvre ce qui est nécessaire pour aller au-dessus de la ligne
Si chacun de nous le faisait, nous gagnerions tant en qualité de contact et de relation, nous serions tellement plus disponibles à nous-mêmes et aux autres.

Et vous, comment allez-vous vous servir de cette notion « au-dessus en dessous de ligne »? Observez-vous pendant une semaine puis revenez noter vos observations. Où êtes-vous ?


Remerciements et inspirations :

Crédit images : visuels réalisés sous Canva avec une image libre de droit Pixabay , icônes libre de droits The Noun Project .