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Regard sur le manager transverse, ce tisseur de liens, avec un tacle aux approches managériales archaïques.

Immanquablement, au début d’une formation managériale, au moins une main se lève et son propriétaire déclare « ah mais moi c’est différent : je dois manager des équipes transverses. Je n’ai pas d’autorité hiérarchique, c’est plus difficile ! »
Chaque fois, la remarque m’amuse car elle dénote d’une vision particulière, presque archaïque du management, comme si le lien hiérarchique facilitait la fonction. Ah si vous saviez…
Ou encore : « je suis juste venue chercher une recette à appliquer systématiquement pour que ça se passe bien ». Là, c’est facile, je donne celle du Mojito : c’est top et ça aide vraiment le manager à se détendre le soir lorsqu’il rentre chez lui.[mfn]À consommer avec modération. L’usage régulier et abusif du Mojito nuit gravement à la fonction managériale, à la lucidité.[/mfn]

Sérieusement, pensez-vous vraiment qu’il existe une recette managériale qui s’applique dans tous les cas de figure et plus particulièrement pour les managers transverses ?

Pas de recette : la faute à la diversité des visions du management

Des systèmes de valeurs divers

Pour la recette managériale, il n’y a pas de solution miracle.
En effet, un manager, un responsable d’équipe coopère avec des humains, une espèce dont les systèmes de valeurs et donc les motivations et les préférences managériales varient d’un d’individu à un autre. Mauvaise nouvelle : ce n’est pas parce que vous êtes de la même nationalité ou que vous travaillez dans une même entreprise que vous partagez le même système de valeurs et la même vision du monde que votre voisin de bureau.
L’une des sources de complication pour le Manager, transverse ou pas, réside dans cette diversité en entreprise.

Quelques portraits managériaux

Toute ressemblance avec des personnages existants serait purement fortuite et totalement caricaturale.

Par exemple, il subsiste encore, dans les organisations, des collaborateurs très attachés à une vision hiérarchique traditionnelle. Les pauvres, je n’ose imaginer comment ils ont vécu ces derniers mois en travail à distance !
Qui n’a pas connu ce collègue, un peu dogmatique, qui considère qu’il n’existe qu’une bonne façon de faire les choses : celle décrite par la procédure ? Qui n’a pas entendu ce même interlocuteur refuser de prendre des initiatives sans consignes claires et écrites ? Dans cette vision, le « chef » se doit d’être autoritaire et gardien des règles et des procédures. Si c’est votre cas, adaptez-vous d’urgence car vous êtes très vintage.

Qui n’a pas croisé cet autre collaborateur plus autonome, en quête de succès, de réussite et de statut ? Il court admirablement bien après les objectifs et vénère la performance. La tête remplie de KPI[mfn]Key Performance Indicators : Indicateurs Clés de Performance[/mfn], il voit le terrain de l’entreprise comme celui d’une grande aire de jeux des opportunités. Tant qu’il ne marche pas sur la gueule de son voisin, tout va bien !

Qui ne s’est pas impatienté face à un de ses collègues qui rejette en bloc la compétitivité et attache une grande importance au mode participatif ? Il apprécie de partager des émotions et privilégie l’humain au matériel. À ses yeux, la décision doit se faire par consensus, de quoi agacer les deux précédentes catégories de collaborateurs.

Et je vous épargne le portrait du petit chef qui a créé un état dans l’état, hargneux à souhait : il donne du fil à retordre aux autres services refusant de collaborer pour préserver son petit pouvoir. Bref, une espèce dont la disparition n’est pas assez rapide et dont on aimerait qu’elle fasse partie de la sixième extinction de masse.

Pour notre manager transverse, le premier défi consiste donc à comprendre qu’il n’existe pas UNE façon de manager mais plusieurs, à adapter en fonction des attentes et besoins de ses collaborateurs et de la direction. C’est seulement à cette condition qu’il pourra naviguer sans s’épuiser au cœur des Hommes (sinon, il lui reste l’option Mojito* qui devient désespérément nécessaire).

Zoom sur la transversalité

Transverse : mon dictionnaire indique « qui est situé en travers », « qui relie deux voies ». Effectivement, le manager transverse va être celui qui fait le lien, facilite les relations entre plusieurs interlocuteurs de différents services/entités. Il sera donc exposé, plus que les autres, à ces différentes visions du monde et à la diversité des cultures motivationnelles des collaborateurs : au sein d’un même groupe, le système de valeurs et les motivations d’un service financier présentent souvent des différences de taille par rapport au service marketing ou R & D.

L’autre définition est anatomique et désigne des muscles méconnus qui assurent une fonction vitale : le muscle transverse (sous vos abdos… enfin s’il vous en reste après les mojitos) maintient les organes du ventre ; acteur invisible, il est indispensable pour la respiration.
Le manager transverse aura le même rôle : maintenir une cohésion entre les organes/collaborateurs, mettre en mouvement, insuffler une vision au projet et si nécessaire (re) donner du souffle. Finalement, c’est comme toujours une question de posture !

Tisseur de liens, ce manager transverse a besoin d’un remarquable savoir-être et d’un bon lot de « soft skills » pour naviguer. C’est ce que je transmets dans la plupart des formations managériales que j’anime.

Dans un monde en pleine mutation où l’organisation des entreprises se cherche de nouvelles formes de gouvernance, il est fort à parier que la notion de hiérarchie classique sera bientôt obsolète. La récente pandémie a d’ailleurs accéléré la mutation.
Alors tous managers transverses demain ? Si la notion de « manager » subsiste, bien sûr ! Mais ça, c’est une autre histoire… Allez, vous reprendrez bien un Mojito* ?


1 À consommer avec modération. L’usage régulier et abusif du Mojito nuit gravement à la fonction managériale, à la lucidité et à la prise de décision.

CRÉDIT IMAGE : visuel réalisé à partir d’une image libre de droits de Ivabalk sous Pixabay