Longtemps, à chaque rentrée, je me suis dit, c’est l’année de l’écriture : 2015, 2016, 2017, 2018, 2019. Toujours rien…

Longtemps, j’ai tenu un blog : plus de mille billets, cinq mille commentaires. J’aimais le lien crée avec les lecteurs, au début des proches, ma famille. Avec le temps, le cercle s’est élargi et j’ai pu croiser certains lecteurs, en Inde, à Dubaï ou ailleurs ; ils sont devenus des amis ou des relations professionnelles.

Depuis longtemps, je ne publie plus. Certes, j’écris parfois de longs billets. Au moment de mettre en ligne : incapacité.

Écrire : double contrainte et injonctions paradoxales

Je suis prisonnière d’une double contrainte !
La double contrainte[mfn]Pour information, c’est Grégory Bateson, le premier, qui a parlé de la double contrainte. En 1956 , au sein de son école Palo Alto, il a même proposé que c’était le facteur conduisant à la Schizophrénie. Je reparlerai de cette notion de « double contrainte » dans des billets sur la Parentalité.[/mfn] , c’est une situation de conflit intérieur dans laquelle il n’y a pas de gagnant. Quoi que je fasse, j’ai perdu et je suis damnée : si j’écris, je me sens coupable pour toutes les raisons citées ci-dessous, si je n’écris pas je suis damnée pour d’autres raisons.

Ainsi, je perçois une première injonction qui m’empêche d’écrire et émane de mes valeurs et d’une façon de penser le monde :

  • Je contribue à la pollution numérique : écrire, c’est charger les serveurs dans le monde, contribuer à la dilapidation d’énergie, augmenter la chaleur dégagée par les fermes à serveurs. Les mots et les vidéos inondent la toile : ce déferlement de copié collé, de plagiat, ces sites qui parfois disent la même chose, avec pour différences quelques virgules et adjectifs, me noient.
  • Je contribue ainsi à l’anéantissement du monde[mfn]Source : Aurélien Barrau, Le Plus Grand Défi de l’histoire de l’Humanité, éditions Michel Lafon, mai 2019[/mfn]  pour reprendre la phrase d’Aurélien Barrau.
  • En publiant de nouveaux mots, j’ajoute au bruit et à la dilution de l’attention[mfn]Je vous recommande la lecture de ce billet : « L’attention: un bien commun précieux » et plus généralement le site crée par Timothy Duquesne : l’avenir des Pixels.[/mfn].
  • Je participe potentiellement à la mort des modèles que je transmets (notamment Ennéagramme et Spirale Dynamique) en les simplifiant.
  • J’appréhende les conflits ou vives attitudes que pourraient déclencher mes positions tranchées et souvent politiquement très incorrectes. J’aime à dire : « en d’autres temps, en d’autres lieux, j’aurais été brûlée en place de grève ».

Pourtant dans ce déversoir de mots qu’est devenu Internet, il se trouve toujours quelques auteurs (parmi lesquels Olivier Zara et Christine Marsan) pour me passionner, m’inspirer, me faire réagir, me mettre en mouvement. Alors affleure l’idée que bloguer peut encore être utile.

Une seconde injonction paradoxale me pousse à écrire :

  • Je sais que ma mission consiste, en plus de mes activités professionnelles de formation et coaching, à transmettre, faire bouger et mettre en mouvement via l’écriture
  • Mes clients demandent souvent où s’ils peuvent me lire quelque part. Je réponds toujours non (j’ai fermé le blog de mille billets car il était trop personnel).
  • Les stagiaires me sollicitent pour publier des billets sur des thèmes traités en formation : je les renvoie vers des blogueurs que j’apprécie. Parfois, il m’arrive de répondre « j’ai justement un billet en cours sur ce thème ». Le billet reste chaudement niché entre les micro-processeurs de l’ordinateur. Ainsi des dizaines de textes sont accumulés, perdus sur un disque dur, trop imparfaits pour être mis en ligne.
  • Écrire, ça serait aussi rendre hommage à tous ces managers, ces parents, ces salariés que je croise et qui m’inspirent.
  • Écrire, c’est aussi transmettre des modèles qui m’ont été enseignés et qui facilitent la vie. C’est surtout lorsque je discute avec des parents, ou en posture de mentor parental, que m’effleure la culpabilité de tous ces billets non publiés : ils pourraient donner un coup de pouce à un parent fatigué cherchant une ressource, emportée par cette tornade qu’est la vie au contact de certains enfants ou ados
  • Enfin, écrire c’est cultiver une communauté que j’apprécie et avec qui j’ai plaisir à partager.

Parfois, j’obéis à la seconde injonction et les mots s’enchaînent, prennent forme. Au moment de publier, le billet n’était jamais assez bien et la vision des fermes à serveurs, toujours plus nombreuses, me submerge : je ne publie pas ; je perçois le souffle de la pollution numérique.

Le chemin pour créer ce blog

Au fil des années, la frustration monte. Elle est compensée par toutes les joies du quotidien, les rencontres de la vie réelle dans une salle de formation ou ailleurs.

Pourtant, toujours plus pressante, une partie en moi crie : « écris, écris, écris, publie ! ».
À force d’en parler, j’ai fini par comprendre que le fait de devoir bloguer en « posture professionnelle » me bloquait : je ne veux ni subir une ligne éditoriale, ni avoir à tenir une posture « professionnelle » aseptisée, et froide. Je veux un espace de liberté, de coup de gueules sans ligne éditoriale comme lorsque j’ai publié les mille billets. Chaque article que j’ai lu sur « l’art de bloguer » ou « l’écriture professionnelle » a contribué à m’enfermer dans davantage de contraintes, renforçant le blocage.

En décembre 2019, je dépose les armes face aux injonctions paradoxales : je choisis de ne pas alimenter le blog de mon site professionnel mais de créer un espace simple et sans ligne éditoriale. Deux déclencheurs ont contribué à ce nouveau départ : Laure, écrivaine de talent, qui m’a poussée, soutenue et relue dans ce démarrage difficile; mon petit frère qui a suggéré une solution minimaliste[mfn]postach.io , le système de blogging relié à EVERNOTE. Pour découvrir les raisons de mon choix Postach.io, c’est par ici !  Edito du 18/03/2020 : en l’absence de support sur Postachio, j’ai migré le blog sur WordPress.[/mfn] .

Je reprends donc la mer des mots et vogue vers l’océan des pixels.

Je commencerai par une plongée dans les archives du blog aux mille billets. J’en revisiterai certains pour les publier ici, sans ligne éditoriale, sans contrainte, mue par l’envie de partager, de transmettre, de proposer un autre point de vue et de réconcilier les différences.

Cap sur une publication hebdomadaire et dominicale vers 11h16 ! Les premiers billets traiteront du thème de la #Parentalité.C’est flippant de publier ce billet car il implique une suite…


Notes  :
[1] Pour information, c’est Grégory Bateson, le premier, qui a parlé de la double contrainte. En 1956 , au sein de son école Palo Alto, il a même proposé que c’était le facteur conduisant à la Schizophrénie. Je reparlerai de cette notion de « double contrainte » dans des billets sur la Parentalité.

[2] Source : Aurélien Barrau, Le Plus Grand Défi de l’histoire de l’Humanité, éditions Michel Lafon, mai 2019

[3] Je vous recommande la lecture de ce billet : « L’attention: un bien commun précieux » et plus généralement le site crée par Timothy Duquesne : l’avenir des Pixels.

[4] postach.io , le système de blogging relié à EVERNOTE. Pour découvrir les raisons de mon choix Postach.io, c’est par ici
Edito du 18/03/2020 : en l’absence de support sur Postachio, j’ai migré le blog sur WordPress. La solution initiale s’avère non pérenne !


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